Départ dans une semaine…

On a roulé récemment avec le camion pour aller chercher la soeur et la belles sœur cyclistes à l’aéroport. Elles revenaient d’un an de voyage en Amérique Latine. Oui le virus du voyage est assez familial.

Rouler avec notre bolide fait toujours remonter beaucoup de souvenirs de voyage. Le moteur démarre et on se sent pousser des ailes.  Les enfants doivent reprendre leurs repères. Il reste du rangement à faire mais il démarre bien et roule impec. J’aime ce sentiment de dominer la route en prenant de la hauteur. Cette vue large depuis le pare-brise et les nombreuses fenêtres qui rendent la vue très lumineuse. Tout revient très vite. Le bruit du camion semble presque doux. La neige tombée cette nuit enveloppe les bruits.

   

Je me retourne pour regarder si mon trio va bien. Pour Samuel ça semble être le plus beau jour de sa vie. Il observe tout, affichant un sourire béat. Un peu comme son père au volant, lui qui aime tellement conduire son camion chéri. Sam s’étonne de rouler dans un véritable camion, sa passion du moment.
«- Camion de papa »
– Euh pas seulement mon chéri. »
Il corrige quand je lui fais les gros yeux.
« – Camion de papa et maman. »

Louise semble se replonger dans ses souvenirs de nomades (lointains mais certainement inhérents à sa personne). Elle regarde la route tranquillement et réclame de la musique. Comme toujours. Louise a besoin de bruit. Certainement pour se rassurer. Louise est appareillée depuis un an maintenant en raison d’une surdité bilatérale. Ce fut une étape importante dans notre famille, un chamboulement non négligeable pour tous, mais Louise assure et réagit avec beaucoup de force et de maturité à cette étape de sa vie sans retour. J’aurai l’occasion d’en reparler et d’évoquer ce handicap à la fois visible (quand elle porte ses appareils, bleus clairs, comme ses jolis yeux) et invisible (sans ses appareils rien n’est détectable et comme Louise n’est pas totalement sourde, les gens ne considèrent pas toujours à sa juste valeur cette particularité qui la caractérise maintenant). Louise est un petite fille pleine de vie mais très fatiguée en fin de journée. Toute tâche ou activité lui demande plus de concentration.

Je préviens Jeanne qu’elle va peut être se prendre un livre sur la tête. Nous n’avons pas encore repris tous les réflexes. Le petit lien élastique qui protège la bibliothèque n’est pas attaché. Jeanne assommée par un livre, le comble pour notre grande lectrice. Jeanne s’endort mal en ce moment. Elle grappille des minutes de lecture mais je la sens un peu anxieuse. Elle s’est endormie plusieurs fois dans notre lit. Hier j’ai essayé de tâter le terrain sur ses inquiétudes sur le voyage à venir.
« – Tes copains ils te parlent du voyage?
– Oui un peu. Mais ils me disent surtout que j’ai de la chance de partir six mois en vacances. Je pars pas en vacances.
– Bah un peu quand même.
– Non, on va continuer à travailler en faisant l’école dans le camion.
– Oui c’est vrai mais ce sera un petit moment de classe le matin et peut être en roulant pendant la sieste de Samuel. C’est important.
– Mouais…. Par contre on a quand même de la chance de partir 6 mois. C’est rare de partir 6 mois. On doit être un peu riche quand même.
– Alors non… Riches, je ne crois pas mais disons plutôt qu’on prépare depuis longtemps ce voyage ma chérie. Avec Papa on aime tellement voyager qu’on économise depuis qu’on se connaît pour s’offrir des beaux voyages. Mais ça veut dire quoi riche pour toi?
– Bah riche c’est quand les gens ils mettent leurs enfants dans des écoles privées.
– …
Je glousse. Peut être que tes chers parents profs traînent trop avec des parents profs. Vive l’éducation nationale !

L’école est justement finie pour les parents profs. Ce qui fait enrager les filles mais nous laisse un temps précieux pour finaliser nos préparatifs. Enfin sans compter une otite pour Samuel, une grippe pour Jeanne (clouée au lit une semaine), un rv à Necker pour Samuel (suivi par rapport à la surdité de Louise), la chasse aux poux, une fête de départ pour Jeanne, l’anniversaire et fête de départ de Louise, une fête de départ pour nous ….! Les listes diminuent, se rayent, se raturent, s’allongent puis se raccourcissent vite. On n’arrête pas. Le plus dur reste de continuer à gérer le quotidien, les enfants, la maison. Ah non, le plus dur c’est le début des adieux. C’est pas la meilleure partie mais c’est un passage obligé. Pour réaliser l’aventure et le départ imminent.

Nous avons dit au revoir avec émotion à nos élèves, nos parents d’élèves, et nos collègues. C’est un drôle de sentiment de finir l’année fin janvier. Vive l’option mi-temps annualisé pour moi et le congé parental pour Baptiste. D’autres enseignants ont pris le relais et nous aurons des nouvelles de nos petits élèves. Nous sommes heureux de cette parenthèse de vie qui s’offre bientôt à nous. Le voyage est une nécessité pour notre bien-être.  Sans exagérer voyager est devenu une vraie raison de vivre et d’avancer. Nous sommes toujours plus ou moins en escale entre deux voyages. Le boulot est important, on l’aime. D’ailleurs quand on est enseignant on ne peut pas le faire à moitié et on donne beaucoup de sa personne, de son temps. La vie de famille est intense depuis la naissance de Samuel (2 ans et 3 mois) et le cap professionnel de Baptiste qui a opté pour ce nouveau rythme de professeur des écoles n’est pas sans conséquence. Les soirées et les week-end de préparations de cours et de corrections de copies ne nous ont pas laissé beaucoup temps pour profiter des petits. Nous allons nous rattraper. Largement. On leur doit bien ça pour leur autonomie grandissante à la maison, leur patience et leur adaptation à notre rythme de fou !

Les réactions de notre entourage nous amusent. Voici un petit florilège.
Du côté des angoissés :
-Mais vous partez avec vos enfants?
-Mais oui, incroyable! On a trouvé personne pour les garder 6 mois.

-Mais vous avez des chambres dans le camion?
-Ah non c’est plutôt un studio qu’un F4.
Un studio modulable qui se transforme au fil de la journée en moyen de transport avec les banquettes face à la route, puis en salle à manger avec les banquettes face à face autour de la table, puis en dortoir à 5 avec un lit en haut, un lit en bas et un lit cabane à l’avant pour Samuel. Vous aurez des photos très bientôt.

-Mais vous allez pas avoir trop froid pendant 6 mois ?
-Non juste au début. Il ne neige pas toute l’année en Scandinavie ! Ils ont aussi droit à quatre saisons.
Bon en vrai je fais la maligne mais c’est mon stress numéro 1 !

-Mais vous allez vraiment faire l’école à vos enfants?
-Oui, vraiment.
Après tout je suis payée à mi-temps… Et plus sérieusement il y a toujours un côté frustrant de ne pas pouvoir enseigner à ses propres enfants, alors là on ne va pas se gêner!

– Et surtout bon courage !
– Oh bah ça devrait aller. Avoir 6 mois de vacances pour parcourir l’Europe demande pas trop de courage en fait. Juste un grain de folie peut être ?

Du côté des gens zen :
– Votre plus grande peur c’est quoi?
– Que les petits aient froid et qu’on oublie je ne sais quoi d’important.
– Qu’y a t’il de vraiment important ?
– À part notre passeport, le reste est plus ou moins superflu en fait c’est vrai.
– Et puis en Europe vous trouverez tout…

On ne sort pas de notre zone de confort pour la recréer dans le camion. Mission impossible de toute façon. Revenir à l’essentiel et partir avec peu pour profiter de beaucoup me semble une bonne philosophie ! Encore une semaine pour finaliser le chargement du camion (et cette question qui revient en boucle : on prend ou on laisse ?), coller l’auto-collant géant avec l’itinéraire sur le camion, enregistrer des livres, des listes de musique, des histoires enregistrées par nos proches (prenez le meilleur album de jeunesse de votre bibliothèque et enregistrez vous via le dictaphone de votre smartphone, les enfants en raffolent et vous voyagerez un peu avec nous !), quelques points administratifs (notamment récupérer nos passeports à l’ambassade de Russie) et après à nous la liberté …! Le prochain article sera écrit sur la route. Hâte !

Pour les curieux qui veulent nous voir partir et on sera très heureux de vous retrouver  le dimanche 17 février à 10h sur le parking de l’église Notre Dame des Agnettes (à côté du magasin Action au 26 rue Louis Calmel 92230 Gennevilliers). On partagera un petit-déjeuner ensemble avant de prendre la route.
Portez-vous bien, donnez-nous des nouvelles. La bise.
Jubajalousam

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