Guten Tag !

Bonjour à tous,

Voici nos premières impressions et notre récit de voyage sur notre traversée d’ une bonne partie de l’ Allemagne et notamment la Forêt Noire et la Bavière. Nos débuts se passent bien. Les petits se sont étonnamment bien adaptés à notre drôle de vie itinérante dans le camion. Du côté des parents, on trouve que c’est presque trop facile. Excepté le coucher de Samuel qui reste problématique, soyons honnêtes.

Des détails qui dans la vie sédentaire n’ont pas ou peu d’importance, deviennent pour nous essentiels avec notre nouveau statut de nomade. Nous sommes concentrés, par obligation et par choix, sur les choses essentielles de la vie. Je veux parler ici des besoins vitaux : manger, dormir, s’habiller, respirer, éliminer les déchets. Mon cours de collège me revient. Il m’a toujours marqué. Ces cinq actions quotidiennes sont inévitables. En voyage, le côté vital prend tout son sens. Manger s’organise différemment car on ne peut pas stocker de grandes quantités. Dormir ne s’anticipe pas car notre point d’arrivée de la journée est rarement déterminé à l’avance. S’habiller signifie surtout compter le nombre de jours qu’il reste sans lavages indispensables. Et question toilettes, il faut s’adapter en permanence ! Nos conditions de vie de nomades ne sont pas difficiles (nous les aimons, elles font partie du jeu) mais il y a quelques contraintes inévitables pour vivre une telle aventure. Chacun apprend de l’autre et chacun apprend beaucoup sur soi.

Dans la rubrique manger, nous avons un lexique spécifique au camion. Notamment «Mettre la table ». Il ne s’agit pas véritablement de mettre le couvert mais bien de positionner la table entre les deux banquettes pour prendre l’apéro, faire un jeu de société, une séance d’école ou partager un repas ! Une pièce maîtresse donc.

Ces contraintes de la vie de nomades sont minimes comparées au plaisir et au luxe d’une liberté offerte pour six mois. Prendre le temps. Le savourer. Lire un livre au réveil dans la pénombre du camion endormi. Regarder un film en amoureux une fois la marmaille couchée. Jouer au foot avec ses enfants sur un terrain enneigé où nous avons passé la nuit. Un bonhomme de neige. Une bataille de boules de neige. Chanter et danser à tue-tête en famille sur les routes. Inventer des jeux pour alimenter les trajets. Faire de la balançoire à cinq dans un parc de Munich à la nuit tombée. Seul(e), à deux, à cinq, nos journées sont des petits moments de bonheur ajoutés les uns aux autres. Quel espace temps nous est offert avec ce voyage pour profiter ensemble de petits et de grands plaisirs. C’est trop rare dans le tourbillon de la vie. Les horaires, la fatigue, le rythme de l’école, freinent nos envies. Maintenant, tant que possible, on ne court plus après le temps, on l’attrape et on ne le lâche plus !

L’Allemagne est un pays bien rangé. Bien propre. Chaque chose a sa place. Un village au creux de la vallée, un clocher qui pointe, une rivière en contrebas, des rails de chemin de fer bien alignées au cours d’eau. On dirait une maquette grandeur nature. Les villes sont très propres. Le tri des déchets existe depuis longtemps en Allemagne. On sent une citoyenneté inée. La population est disciplinée. Attend sagement au feu piéton. Même les très nombreux vélos s’arrêtent sur leur piste cyclable pour nous laisser passer. C’est fou cette vie sur deux roues qui grouille autour de nous. Les aménagements sont tellement agréables pour la vie à vélo. Des pistes bien protégées des voitures, des feux, des parkings, des zones réservées. On regrette presque les nôtres. On avait vaguement hésité mais x5 ça devient vite encombrant des vélos. On a opté pour les trottinettes des kids. Ils sont contents d’en faire dans les parcs, sur les parkings où on s’arrête parfois pour la nuit et même en ville pour se balader (et adoucir un peu la fatigue de leurs petits mollets).

 

L’Allemagne est un pays facile à visiter. Pas hyper dépaysant mais on ne peut pas tout avoir. Beaucoup de jeux, de parcs, de vert. Très agréable avec enfants. On passe nos journées dehors mais la pause au parc permet à notre trio de se défouler, de jouer, de redevenir vraiment enfant et non plus touriste forcé par des dingues de parents pour visiter des contrées du matin au soir. C’est eux qui donnent le rythme de toute façon. Quand ça râle trop, il faut rebondir. Être à leur écoute en permanence. Les entourer, les occuper, les câliner, les aimer quoi.

 

On baragouine vaguement du bout des lèvres le minimum en allemand : bonjour, merci au revoir. Les langues ne sont définitivement pas notre fort. Les filles s’exercent et nous entraînent dans leur découverte de la langue. Ni Baptiste ni moi n’avons appris l’allemand dans notre scolarité. Ce n’est pas une excuse c’est vrai. Louise s’interroge « Mais y a un moment où on va les comprendre les allemands? »

Parlons un peu itinéraire. La frontière passée nous sommes arrivés dans la Vallée de Kinzig, un drôle de nom aux accents asiatiques. La route est superbe dans cette belle région de la Forêt Noire. Des plaques de neige qui ont résisté aux températures pourtant douces nous réjouissent. C’est beau un paysage blanc.

Les villes sont affublées de drapeaux colorés et bariolés qui traversent les rues mais on sent bien que la fête est finie. Le carnaval nous échappe, de peu apparemment. De drôles de masques ornent les vitrines. Gengenbach est notre première halte touristique du voyage. Pittoresque et charmant. Des maisons à colombage colorées s’alignent dans les rues principales. Le dépaysement opère enfin.

Le lendemain nous visitons Triberg. Ville appréciable car plusieurs attractions touristiques sont présentes. Il y a ici la plus haute cascade de l’Allemagne. 160 m. Perchée dans la forêt elle résonne au loin. Entourée de rochers recouverts de mousse et de neige, le décor est sublime. Les filles courent jusqu’au pied de la cascade. Jeanne prend quelques photos avec son appareil.

Après un pique-nique sur un banc sec malgré la neige environnante, nous visitons un musée de maquettes. Les enfants s’éclatent et actionnent eux-mêmes les boutons permettant de faire démarrer des bus, trains, tracteurs, motos en tous genre.

Pour la nuit, nous visons le Lac de Titisee, incroyablement joli. Partiellement gelé, les plaques éparses de glace font des tâches blanches sur le lac sombre. Les forêts de sapins environnantes semblent avoir été saupoudrées de neige. Jeanne, jamais frileuse mais toujours rêveuse, propose une séance de patinage sur le lac.

 

Lever à 7h par notre petit ours des cavernes qui demande à sortir de sa grotte. Samuel dort dans un lit suspendu à l’avant du camion et sonne l’heure du réveil. La journée est rythmée par les petits. Et c’est bien normal.

Nous leur demandons déjà beaucoup. Être bon parent à mon sens c’est être exigeant. Mais point trop n’en faut. Donner un cadre à la fois rassurant et savoir fixer des limites. On fait au mieux. L’Allemagne a d’ailleurs un regard différent sur la famille. Tous les lieux semblent accueillants pour les enfants. Nous semblons les bienvenus partout. Comme c’est agréable. Ici il ne semble pas incongru de faire des sorties culturelles ou culinaires en famille. Les enfants sont tous habillés en combinaison et après ski. Neige ou pas. Surtout en remontant plus au nord où les températures vont finir par se rafraîchir.

Mouette et neige sont des nouveaux mots prononcés par Samuel. Il veut tout faire seul. S’habiller, ranger ses affaires. Le camion n’a plus de secrets pour lui. On le retrouve souvent assis au volant. Parfois même les clés à la main, prêt à partir. Mais on veille rassurez-vous !

 

Jeanne n’est pas la seule rêveuse. Dialogue sur autoroute.
Moi : Elle revient souvent cette ville Ausfahrt non?
Baptiste : Ça veut dire sortie.
Nous : Ah ah ah … !

Revenons à notre périple. Le Lac de Titisee est encore plus beau le lendemain au réveil. Nous descendons pour le photographier de plus près. Ce paysage est très apaisant. Nous le scrutons un bon et long moment tous les 5 avant de reprendre la route.

Nous avons la bougeotte. Déjà. Il nous faut rallier un autre lac, celui de Constance. Beaucoup plus étendu, nous nous arrêtons à Lindau à l’extrémité Est pour une belle balade de fin de journée sur une presqu’île aux rues piétonnes pavées et aux façades étroites et colorées. Trottinette, poussette, gambettes. On avance, on roule de ruelle en parc, en point de vue. Le soleil couchant est magnifique. Un champ de neige nous accueille pour la nuit.

 

Les temps de classe se sont installés avec un naturel déconcertant. De bon matin en général, ce qui permet de travailler en pyjama, un détail qui amuse les filles. Jeanne et Louise réclament leur carnet de voyage, ce qui permet au moins une séance de français quotidienne (alimentée par d’autres, n’allez pas rapporter à l’inspecteur les collègues !). Côté maths, elles sont branchées résolution de problèmes en ce moment. On leur laisse choisir leur matière. Motivation = production !! On alimente aussi dans la journée des petits problèmes à l’oral. Jaja, Combien de kms parcourus aujourd’hui sachant que ce matin le compteur était à tant de kms, et que ce soir il est passé à tant de kms ? Loulou, Combien te reste t’il de culottes propres sachant que nous sommes partis il y a tant de jours et qu’au départ tu en avais 10 !? Plus sérieusement, la monnaie est aussi une bonne base pour faire des mathématiques et donner du sens à tous ses apprentissages ! On se régale pas mal à jouer notre rôle de parent-prof. Ce n’est pas pesant pour le moment. C’est différent du boulot. Deux élèves pour deux enseignants créé un rapport différent. Et puis ce sont nos enfants. Le lien est différent. Samuel apprend à se poser, se concentrer. Il veut tout faire comme ses sœurs. Quand elles travaillent, il prend son carnet et met un soin particulier à dessiner.

Nous passons ensuite une journée à Munich. Musée et balade dans le centre ville entre marchés, places, multiples églises au clocher bercé de soleil. Le temps est toujours ensoleillé depuis le début, quel bonheur. Garés dans le centre nous commençons par le Musée Allemand. Un musée des sciences géant sur 6 étages. Lu et souligné dans le guide j’avais notamment noté une salle dédiée aux enfants avec des expériences et des jeux libres. L’aire Kinder est un peu défrechie mais les enfants s’éclatent. Y a du wifi, les parents sont pas mécontents non plus.

Geek que nous sommes, se déconnecter d’internet est plus dur que se déconnecter de notre quotidien récent. Déjà qu’on ne voit plus notre entourage et en plus on ne peut pas les joindre ou les lire quand on veut. Ne vous étonnez pas de notre manque de réactivité !
C’est bien aussi de couper. Pas facile mais agréable. Plus dispo pour les enfants nous sommes !

Notre virée dans Munich se termine au jardin anglais où un spectacle insolite nous attend. Des jeunes en combinaison intégrale surfent sur une vague permanente qui jaillit après un pont sur la rivière traversant le parc. Nous cherchions cette curiosité quand un cycliste a surgi avec une planche de surf dans son dos et nous avons commencé à courir pour le suivre ! Les filles étaient ébahis. Samuel aussi.

Laissant la nuit nous porter conseil, nous avons décidé de redescendre plus au sud dans les Alpes Bavaroises du côté du Parc national de Berchtesgaden à quelques kilomètre de Salzbourg. Cette région a payé un lourd tribut au nazisme. Le nid d’aigle d’Hitler, un refuge de montagne construit pour son 50eme anniversaire, est constitué notamment d’un tunnel de 124 m de long aménagé dans la roche et d’un ascenseur. La vue est apparemment sublime. Le lieu est fermé à cette saison. Dommage. Le niveau de neige sur les bords de route et les skieurs que nous apercevons au loin, nous font penser que la route en lacets pour y accéder n’est pas forcément ouverte et que notre camion peine déjà suffisamment dans les dénivelés de montagne pour ne pas en rajouter. Un musée bien documenté présente la réquisition de la zone (pour en faire le second siège du pouvoir nazi après Berlin), la construction du complexe, et la vie quotidienne de l’élite nazie qui se rassemble dans la région. Toutes les facettes sont traitées : le culte d’Hitler, sa politique raciale, le mouvement de résistance, la politique étrangère et les camps de la mort. Une partie du réseau de bunkers est ouverte aux visiteurs. Les enfants cavalent dans ces longs couloirs lugubres.

Je redoutais un peu notre entrée dans ce musée. Les gens vont-ils nous regarder de travers pour cette drôle de sortie en famille qui explore l’histoire nazie !? Vite rassurée à la vue d’autres familles présentes dans le musée , j’ai quand même bien senti quelques regards dubitatifs. Ne serait-ce que la caissière. Ou alors je suis parano depuis que je me suis interrogée via face book et un groupe de voyageurs (où je pêche beaucoup d’infos pour nos voyages) sur la pertinence et la limite de visiter avec des enfants des camps de concentration. Nous n’avons toujours pas tranché mais les commentaires étaient d’une telle virulence, que nos envies de plonger dans l’histoire mondiale (même traumatisante) sont un peu redescendues. À suivre.

Arrivés à 14h58 sur le parking d’une mine de sel voisine à visiter, Baptiste part en éclaireur et revient en courant.
«-Départ en train dans 2 minutes pour la dernière visite de la journée. -Vite les filles chaussez-vous (oui on vit en chaussons dans le camion!), foncez avec papa, je garde Sam qui dort. » Les visites sous-terre je n’y tiens pas. Et me voilà seule avec 1h30 rien que pr moi. Vite un bouquin. Je me replonge dans « Le lambeau » de Philippe Lançon. Entre le nazisme et les attentats de Charlie, c’est une belle journée de franche rigolade aujourd’hui…

Les filles et Baptiste reviennent enchantés de leur virée. Une descente sous-terre par un toboggan sans fin, une traversée de lac sous-terrain à bord d’un radeau et un tour en train dans des petits wagonnets de bois. Mieux que Disney!

Nous remontons maintenant sur Nuremberg où nous avons une halte prévue chez des copains. Le trajet sous le soleil se passe à merveille jusqu’à un bruit très étrange à l’avant du camion quelques minutes avant d’arriver chez eux. Un premier bruit nous alarme, puis un second plus lourd nous stoppe définitivement. Une pièce du pneu avant s’est détachée. Voilà Baptiste derrière la barrière de sécurité (parce qu’évidemment cette mésaventure arrive en pleine bretelle d’autoroute) à la recherche de la dite pièce. Trouvée ! Je vois Baptiste pouce levé au loin. On tente furtivement de redémarrer mais le bruit est trop préoccupant. On appelle la Maif, et deux heures plus tard une dépanneuse débarque enfin. Avant cela nous avons appelé notre ami Vincent qui a joué le rôle d’interprète, quelle aide très précieuse! Le camion est embarqué, nous suivons en voiture avec Vincent. Après un temps de papiers administratifs et d’échanges téléphoniques avec notre assurance (et une attente non négligeable), nous laissons le camion et filons chez Vincent et Stéphanie. C’est quand même fou d’avoir un souci de mécanique le jour et à l’heure même de nos retrouvailles. C’est le seul moment du voyage où nous faisons halte chez des têtes connues. Et paf, on  justement besoin d’une nouvelle maison temporaire. Notre bonne étoile veille jamais loin apparemment…

Nous sommes logés, nourris, véhiculés. Nous lavons, séchons notre imposant sac de linge sale. Et prenons une douche longue longue longue. Une bonne raclette finit bien la journée. Nous relativisons ce contre-temps technique qui ne nous ralentit pas vraiment. Nous avons passé la journée hier dans un parc animalier avec nos amis. Pique-nique et balade en forêt avec lynx, loups, chèvres, moutons. Un régal pour petits et grands. Côté camion, nous en saurons davantage dans la journée… En attendant visite de Nuremberg au programme.

Tchuss

Jubajalousam

PS : Bon anniversaire maman au passage !