Pologne, premières impressions et Auschwitz…

Bonjour à tous,

Nous voici dans un nouveau pays depuis presque une semaine maintenant : la Pologne. Prêts à ouvrir grands nos yeux curieux de baroudeurs sur un pays à l’histoire marquée et marquante. Nous étions déjà passés en Allemagne (à Berlin et à Munich) lors de précédents voyages et notre regard n’était pas tout à fait neuf. Pour la visite de la Pologne, nous n’avons pas d’idée pré-concue car ce pays est totalement nouveau pour nous.

Le passage de la frontière est pluvieux et assourdissant. Nous pensons être dans une sorte de no man’s land pas entretenu avec ses trous et ses dos d’ânes mais les secousses durent 50 kms ! Voyez la photo de ce panneau véritable. On guette une route lisse qui finit par arriver, quel soulagement !

Loulou s’interroge en roulant : « En Pologne aussi il y a un mur ? En fait j’ai pas très bien compris pourquoi y a un mur de Berlin? » et nous amuse « On est loin de ma petite France chérie quand même ? »
Les filles, comme nous, ont vite senti, en entrant en Pologne, le dépaysement et le décalage avec la France et l’Allemagne. « Il y a quand même plus de pauvreté. Le pays a l’air un peu abîmé. » Oui mais les gens sont aussi plus curieux et un peu plus avenants à mon goût.

Wroclaw, ville du sud-ouest est notre première halte. Troisième ville du pays. Nous peinons à nous garer pour la nuit. Le camping repéré est fermé. Comme souvent à cette période hors-saison de l’année. Un parking conseillé par notre application de baroudeurs ne nous inspire pas du tout confiance. Quand on est deux à pas le sentir, on n’insiste pas ! Ensuite nous nous retrouvons coincés sur le parking d’un marché et obligés de prendre un ticket pour en sortir. Enfin, alors que les enfants s’énervent et que la nuit est tombée nous avisons le parking d’un stade. Il y a une petite guérite éclairée. Le gardien veut bien que nous passions la nuit ici. Pour 5€. Avec option toilettes et terrain de foot pour les petits. Parfait.

Après une matinée d’école, de tirs au but, de courses pour jouer à chat, d’écriture et de publication du blog, on part en vadrouille dans Wroclaw. La magie du dépaysement opère enfin. Les façades colorées, les vieux tramways bleus grinçants, les nouvelles enseignes, les panneaux de signalisation jamais vus. Une nouvelle langue, dont certaines lettres nous sont inconnues. Des nouveaux codes culturels à apprivoiser. On apprend les basiques de la langue  bonjour (djedobré), merci (djenkouyé), oui (tak), non (nie). Notés sur notre tableau velleda car on peine à les retenir (enfin surtout les parents), on les a sous les yeux en permanence. La monnaie locale est le zloty (4zl = 1€). La vie est moins chère qu’en France ou en Allemagne. Très clairement.

On gare le camion en plein centre face au marché qui est notre premier point de chute. Pour manger et visiter en même temps. On affectionne particulièrement les marchés avec Baptiste. C’est un trait d’union dans nos voyages. C’est la vraie vie locale. Sans touriste. On plonge au cœur de la population, des habitudes culinaires, dans un lieu qui réunit toutes les classes sociales. C’est toujours très intéressant. Ce marché est une petite halle derrière des bâtiments en brique rouge. Les rayons et les étalages sont bien rangés. Les visages des maraîchers sont souriants et avenants. Notre trio attire l’œil. Notre camion aussi. Plus qu’en Allemagne. Curieux mais encore distants pour le moment. Nous aussi en même temps. Nous ne sommes pas autant avenants que nous aimerions. La barrière de la langue est présente, (même si l’anglais est parlé) et nous sommes encore un peu frileux pour aller vers les gens.

Pause déjeuner dans une petite cantine coincée dans un angle du marché. On peut choisir nos plats à travers une baie vitrée qui entasse de grands plats collectifs et fumants. On pioche un peu au hasard, au fil de nos envies et de celles des enfants, car les panneaux affichés derrière ne sont pas d’une grande aide. On se régale de poisson, purée, salade, galette de pomme de terre et crêpe. Dans cette cantine, il y a des étudiants, des retraités et nous. Les intrus :  une famille, et en plus nombreuse. Les familles avec enfant unique sont les plus courantes en Pologne. Nous voici donc attablés au milieu des habitués et heureux de cette plongée culinaire polonaise. Une petite dame attablée à ma droite tente de discuter. Je regrette de ne pas parler le polonais. Elle nous regarde attendrie.

Le ventre plein, lunettes de soleil sur le nez, appareil photo en bandoulière, nous jouons les touristes jusqu’à la place centrale appelée Rynek dans chaque ville de Pologne. L’arrivée sur la place est superbe. Les frontaux colorés et alignés nous plongent dans un nouveau paysage urbain qui devrait nous suivre pendant ces deux semaines en Pologne. Les tuiles colorées sur les toits des églises aux façades méticuleusement sculptées nous étonnent et nous ravissent.

Repérée sur le guide, l’alliance française donne sur la place. Il y a une bibliothèque, les enfants se régalent de nouveaux livres (même si la bibliothèque du camion n’a pas encore été lue en entier!). Une exposition réalisée par un dessinateur français expatrié nous offre une belle entrée dans la culture du pays. Nous nous amusons de sa vision de la Pologne et apprenons beaucoup. Nous terminons notre virée par l’île aux sables. Quartier piéton où églises et ruelles pavées finissent en beauté notre découverte de la ville.

En approchant des camps d’Auschwitz le lendemain j’ai comme la boule au ventre. Je vois tous ces villages, les maisons qui sont très abîmées ou totalement neuves. Qui peut habiter ici ? Ces gens ont forcément vécu de près ou de pas vraiment très loin cette page traumatisante de l’histoire. Ils ont dû voir passer des convois de nazis. Entendre les trains de la mort. J’ai l’impression que toute la nature environnante est imprégnée de ce million de vies disparues. Il n’y a aucun panneau indiquant les camps. Même sur les derniers kilomètres. Quand on aperçoit enfin, juste devant les lieux, le panneau : Musée d’Auschwitz, on se regarde mi-inquiets, mi-curieux. Écrit noir sur blanc, le panneau ne laisse pas indifférent. On aperçoit les baraquements de briques rouges alignés et quadrillés à travers les barbelés. On imagine. On se souvient des films qui nous ont marqué, comme La vie est belle. Des images remontent face à nos premières visions de la réalité passée. On se souvient de nos cours d’histoire, de films, de photos historiques. Bien que cette phrase sonne étrangement, nous dormons à Auschwitz. Nous garons le camion à quelques pâtés de maison du camp, face à une aire de jeux bienvenue pour rendre les lieux plus légers.

Le lendemain je suis presque sur les lieux à l’ouverture. Dès 8h. Il y a déjà des cars de touristes et des groupes de collégiens et de lycéens venus de toute l’Europe. Me voilà seule avec mon mon appareil photo. Baptiste garde le trio. J’y vais en éclaireur voir la pertinence d’y emmener Jeanne. Les autres sont trop petits. Je passe l’entrée et me retrouve face à la barrière célèbre où les déportés franchissaient une limite fréquemment sans retour. Si ce n’est pour travailler au service des nazis. Ces lettres signifient  » le travail rend libre. » Le B monté à l’envers est un pied de nez des prisonniers à leurs gardiens nazis.

J’arpente les allées, contourne les blocks, prend quelques clichés. Certains blocks sont ouverts et font office de musée. Des souvenirs exposés, des photos encadrées, des affiches, des documents historiques. Des témoignages. Des traces, des preuves.

La vie des prisonniers, leurs effets personnels volés et stockés,  les étapes de l’extermination, les cellules des prisonniers, l’histoire de la montée du nazisme, des dessins d’enfants réalisés dans les camps et reproduits. Il y a beaucoup à lire, à regarder, à écouter. J’apprends beaucoup. Je suis un peu sonnée.

On entend que le bruit des néons dans cette mise en image de l’horreur. Tout en noir et blanc. Un peu flou. Photos vieillies ou abîmées. Toujours d’une telle violence. D’enfants amaigris, mourants ou morts. Que de morts en photos. Souffrance humaine, désespoir, horreur sont les mots qui me resteront à l’esprit.

Je reste un moment au block 20 des déportés français. Les explications sont en français et de nombreux témoignages bouleversants sont retranscrits.
Le son du train qui grince sur les rails intensifie l’émotion déjà omniprésente. Je découvre l’histoire de Charlotte Delbo qui a écrit « Aucun de nous ne reviendra ». Je compte bien le lire à notre retour.

Je croise un petit garçon de l’âge de Jeanne avec son papa dans une allée. Je me dis que Jeanne pourra venir avec Baptiste quand j’aurai fini ma visite. Il y a quelques blocks et salles à éviter mais je la sens capable.
Des gens viennent avec des bouquets de fleurs. En famille. Le lieu n’a pas la même portée pour tous. Il y a plusieurs salles avec des fichiers numériques ou des listes de noms sur papier qui permettent de retrouver un membre de sa famille. Des familles décimées viennent chercher un peu de l’histoire de leurs ascendants.

Le final des chambres à gaz et des fours crématoires est le lieu le plus silencieux de la visite. Les gens passent vite. Les visages sont fermés. Certains s’essuient les yeux en sortant. Je suis à nouveau sonnée.

L’après-midi, nous allons visiter le Camp de Birkenau, 3 kms plus loin. Des enceintes de barbelés avec lampes intactes. Des miradors en bois espacés régulièrement. Des alignements de baraquements en bois, dont seule une rangée est encore debout (les autres ont été brûlées pas les nazis à leur départ). Il y a une reconstitution des lits en bois où les prisonniers étaient entassés. Ces blocks contenaient 400 prisonniers. Il y a les latrines aussi.

Les enfants suivent, on donne des réponses à leurs questions. Jeanne connaît ce pan de l’histoire par ces lectures diverses et nos explications en amont du voyage. Elle lit le Journal d’Anne Frank en ce moment. Louise est un peu perdue. Dans son carnet de voyage elle écrira « Nous avons visité les maisons des prisonniers de guerre. » C’est déjà bien. Nous n’avons pas insisté lourdement sur le côté chambres à gaz et le million de disparus. Elle a bien le temps de savoir. Il y a d’autres familles, nous sommes rassurés. Nous ne sommes pas les seuls dingues à venir en famille. Cette découverte nous paraissait indispensable pour comprendre la folie qui embrasa le monde entier il y a quelques décennies à peine. Et remplir notre devoir de mémoire envers ceux qui y ont péri. Birkeneau est plus dur à visiter qu’Auschwitz avec notre regard adulte car les lieux sont immenses, et les chambres à gaz, même en ruines sont présentes, centrales et nombreuses. Leur regard d’enfant est certainement plus léger (nous y travaillons) car il n’y a pas de photos traumatisantes comme à Auschwitz.

L’entrée du camp avec cette arche qui laisse passer les trains de la mort est vraiment glaçante. Les rails qui s’approchent à quelques mètres des chambres à gaz. Ce wagon immobilisé en souvenir. C’est irréel d’être là.

Nous traversons l’immensité du camp pendant deux bonnes heures. Samuel dort en poussette (nous ne croisons pas d’autre poussette). Louise court dans les allées et observe les visiteurs et les mémoriaux qui sont peut être plus parlants avec ces couronnes de fleurs, ces noms et ces messages de respect et de mémoire. Jeanne prend des photos avec son petit appareil. À hauteur d’enfant, c’est touchant. Elle lit le guide acheté sur place, qu’elle recopiera en partie dans son carnet de bord le soir dans les nombreuses lignes consciencieusement écrites.

Baptiste visite à son tour le camp d’Auschwitz en fin de journée. Jeanne est fatiguée physiquement et certainement émotionnellement. Elle préfère rester au chaud dans le camion avec les petits et moi. C’est aussi bien. Nous communiquons par talkie-walkie avec Baptiste. Pour savoir quand il rentre, la nuit commence à tomber. Mais aussi pour avoir ses impressions en direct. Quel choc, quelle claque, cette journée. Nous nous en souviendrons à vie.

Nous préférons reprendre la route, même tard, même fatigués, même vidés par cette journée bouleversante. Nous dormirons à quelques kms de Cracovie. Suite au prochain épisode pour Cracovie.

On vous espère en forme. Reposés des vacances pour certains, heureux dans vos vies respectives pour tous. On pense fort aux écoliers et à leurs professeurs qui reprennent le chemin de l’école demain.

On vous embrasse,

Jubajalousam

15 COMMENTS
  1. L’impatience de lire votre blog à chaque nouvelle publication est bien réelle ! Même si ce nouvel article est moins léger, merci pour ce récit bouleversant de votre visite des camps, ça semble être une expérience difficile mais nécessaire pour mieux connaître et comprendre l’Histoire et nous souvenir de ses moments les plus sombres… Vos photos me rappellent en effet le film La vie est belle mais aussi le livre Si c’est un homme de Primo Levi qui m’avait beaucoup marqué pendant ma scolarité.

    Les photos du trio toujours souriant font plaisir et les façades des maisons polonaises empreintes de toutes ces couleurs sous un grand soleil sont ravissantes ! Vivement le prochain article en Pologne pour connaître la suite de vos aventures !
    Grosses bises à vous 5 des Bracq i

    Valou 5 années ago Reply
  2. Ouf ! Merci pour cette visite guidée et quel courage d’en avoir fait autant. J’étais mal à l’aise rien que de te lire alors j’imagine très bien le choc que doit être une telle visite.
    En attendant vos prochaines aventures, je vous embrasse bien fort.

    Karine 5 années ago Reply
  3. J’étais une enfant/ado passionnée d’histoire, celle du 20ème siècle me bouleversait tout particulièrement. Je buvais les paroles de mes profs et noircissais des pages et des pages de cahiers d’écolier.
    Je me souviens encore de ma visite du mémorial du Caen, des plages du débarquement, des cimetières aux croix blanches alignées. Je me souviens d’avoir tremblé mais pas de froid, pleuré mais en silence, du haut du mes 14 ans.
    Ton article me laisse à fleur de peau, tes photos sans voix.
    Mais il y a vous, Citoyens du Monde. Vous 5. Lumineux.
    Je vous embrasse fort.

    Cha 5 années ago Reply
  4. Bouh… J’aurai pas du lire ça en arrivant au boulot moi ^^
    Heureusement que je suis tout seul ce matin
    Ca fait quand même plaisir de suivre votre petit voyage, on vous fait plein de gros bisous
    (j’espère que Baptiste profite de moments plus calme pour finir votre 2ème livre, sinon il va avoir bcp de retard 😉 )

    julien 5 années ago Reply
  5. J’ai pensé à Jeanne ce matin au petit-dej, car en pleine lecture du blog avec mes yeux qui ne pouvaient se détacher des mots et des photos, mon iPad tomba en rade. Grr
    En tout cas, si j’étais au ministère de l’Education Nationale, je mettrais au programme – quand les collégiens abordent la deuxième guerre mondiale – une visite à Auschwitz pour tous. P
    Merci pour ce récit et ces images qui affrontent la triste réalité et la folie des hommes.
    Continuez à découvrir de nouveaux lieux et paysages polonais peut-être plus légers ?
    Qu’en est-il de Louise qui aime écouter la langue du pays ?
    Et de Samuel le blond qui ne doit pas dénoter dans les jardins d’enfants ?
    Des Bisettes au quintette

    Maé 5 années ago Reply
  6. J’en ai eu des frissons rien qu’en te lisant…

  7. Un jour j’irai là bas…en attendant merci pour le voyage à distance…

    Florine 5 années ago Reply
  8. Bonjour Louise,
    Merci pour ta belle carte qui me fait très plaisir ! Je reviens d’une semaine au ski : c’était super ! J’ai passé ma 1ère étoile. L’école a repris aujourd’hui et tout se passe bien. Tu me manques.
    Gros bisous,
    Héloïse

    Héloïse 5 années ago Reply
  9. Bonjour maître ,
    Laurent a beaucoup été touché par les photos et le texte lus ce soir, c’était émouvant pour lui ça l’a beaucoup intéressé et oui une partie de la famille de son papa était dans un camps plus facile à lui raconte avec des photos merci
    Tous va bien à l’école pour ce 1 mois
    Gros bisous vous 5 et au prochain épisode avec impatience

    Laurent 5 années ago Reply
    • Merci beaucoup pour votre commentaire.
      C’est une partie de l’histoire qui ne sera abordée qu’en fin de Cm2 et encore si le programme est fini. Merci de nous suivre, embrassez Laurent.

      tiste 5 années ago Reply
  10. Merci pour cette retranscription de la visite de ces lieux si chargés d’histoire et je me souviens bien dans quel état j’étais après la visite de S21 au cambodge (comme vous d’ailleurs quelques années avant) et même si ce n’est pas tout à fait la même chose c’est bien dur… vive les enfants bien vivants qui nous ramène à plus de légèreté.
    Bonne continuation et des gros gros bisous

    cathetgwen 5 années ago Reply
  11. Contents de voir que votre route se poursuit dans de bonnes conditions techniques!
    Les maisons en Pologne sont colorées : on découvre!!
    Juliette et Charline nos petites filles envient Jeanne ,Louise et Samuel de dormir dans un camion et d’avoir toujours leurs parents !.
    Les camps : un souvenir persistant pour Claudette , comment pourrait-il en être autrement.
    En tout cas merci pour ces témoignages,photos , impressions ….Et bises à vous 5!

  12. Coucou ! Ravie de lire la suite de votre voyage. Tes mots sont vraiment touchants Julie. Rien de mieux qu un voyage pour apprendre plus et mieux! Des gros bisous à vous 5!

    Stéphanie 5 années ago Reply
  13. Bonjour Jeanne,
    j’aimerais bien être avec vous parce que j’adore l’Histoire et votre voyage 😘 j’espère que vous vous amusez bien 😀. Est-ce que ce n’est pas trop dur de vivre dans un petit espace comme votre camion ?
    Chloé

    Chloé Abrassart 4 années ago Reply
    • Parfois le camion paraît tout petit et puis d’autres jours il s’agrandit avec un jardin et une belle météo donc c’est plus facile. Bisous à toi. Jeanne

      juju 4 années ago Reply

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