Bien chers tous,
Notre dernier article vous a laissé à Riga il y a presque deux semaines. Depuis, nous avons avalé des kilomètres pour rejoindre Moscou. Voici nos dernières pérégrinations entre la fin des pays baltes et nos premières impressions sur la Russie. C’est le grand écart entre trois tous petits pays et ce vaste pays à taille de continent.
Le départ de Tydom et Mae qui sont rentrés en France, nous à laissé un peu orphelins et moroses pendant quelques jours. En voyant un avion dans le ciel (et supposant que c’était le leur), Louise s’est exclamée : « Mais c’est pas du tout la direction de la France par là ? Et Jeanne de rétorquer : « Peu importe Louise, la terre est ronde ! » Opération lessive (qui s’impose) et puis pizzeria parce que je n’ai pas le cœur à cuisiner après leur départ. En s’arrêtant pour la nuit à notre campement habituel depuis quelques jours, le nouveau chauffage fonctionne mais un dangereusement. Il dégage une fumée épaisse blanche au démarrage et l’odeur d’essence est irrespirable. Nous improvisons une partie de foot (alors qu’il est 22h et que la nuit est déjà bien tombée) le temps d’aérer le camion. J’aime ces moments improbables créés par notre grande liberté de voyageurs.
Premier matin de retour à cinq. Grand beau qui réchauffe le cœur. Petit déjeuner la porte ouverte. Linge séchant dehors. La météo est notre meilleur allié. La supposée école voisine offre une belle cour débordant de jeux pour les enfants. Supposée école car sans élèves et des classes étrangement vides. Nous sonnons la fin de la récréation. Le chauffage a bien fonctionné cette nuit mais direction Mercedes car nous n’allons pas suffoquer comme hier à chaque mise en route du chauffage. Ce sera (enfin) la dernière matinée de réparation. Ce fut long et fastidieux mais efficace au final.
Les heures d’école se ritualisent. Un peu le matin après le petit-déjeuner, un peu en roulant, un peu le soir avant le dîner. Les apprentissages sont omniprésents dans nos journées tant les possibilités s’offrent à nous. Pour le sport, rien de mieux qu’un circuit de trottinettes et des heures au parc. Ou une après-midi à l’accrobranches. Ou encore des heures de marche que les enfants acceptent sans rechigner. Pour la géographie, mettre le nez dans les cartes, les plans des villes et observer le paysage qui défile nous permet de belles leçons grandeur nature. Pour la géométrie, nous jouons avec des cure-dents au restaurant. Parallèle ou perpendiculaire ? Angle aigu, optu ou droit? Nous observons autour de nous pour chercher des formes et des solides. Sur les façades, au sol, en roulant, dans le camion. Partout. Pour le repérage dans l’espace, rien de mieux que la bataille navale. Pour la numération, il nous suffit de compter nos scores aux jeux de société ou de résoudre des problèmes de conversion de monnaie, de distance parcourue, de changement d’heure. Pour la grammaire, l’orthographe et l’expression, le carnet de voyage est notre meilleur allié. Tout autour de nous est source d’apprentissage, de découverte, de connaissance. On ne se prive pas !
Sur la route de la Russie, nous nous arrêtons au Parc de la Gauja en Lettonie. Déjà légèrement visité avec mes parents, nous en découvrons une belle et nouvelle facette. Une réserve naturelle avec des animaux disséminés (en cage) dans le parc. Ours, renards, hiboux, biches, sangliers. Une belle boucle de plus de 5 kms en pull (bye-bye les manteaux !) sous un soleil printanier.
En repartant, après une glace avalée et des peluches souvenirs achetés, le camion fait un bruit étrange alors que j’ai justement décidé de prendre le volant. Baptiste ouvre le capot : la courroie a sauté. Pas cassée apparemment mais hors d’usage présentement. Nous ne pouvons donc plus rouler. Alors que nous sommes en pleine forêt dans ce parc joli mais un peu isolé ! Un monsieur letton s’arrête pour savoir si nous avons besoin d’aide. En quelques minutes, ce mac giver propose de nous tracter jusqu’à un garage. Il sort de son coffre une corde qui va nous sauver ! À ajouter dans notre liste d’indispensables. Nous voilà dépendants de cette corde jaune tendue entre lui et nous. Les virages et les dénivelés sont un peu angoissants mais les deux conducteurs gèrent.
Jeanne s’est rendu compte au bout de 10 bonnes minutes qu’on roulait sans moteur et tractés par le véhicule de devant ! Ce premier sauveur nous amène à un garage malheureusement fermé. Il doit retourner à Rīga mais se donne la peine de nous donner par téléphone des adresses de garage depuis la ville suivante. Nous voilà un peu déboussolés sur notre parking. Ces soucis techniques en série commencent à être pesants. Le chauffage, les pneus… Un puis deux puis trois personnes s’arrêtent pour nous venir en aide. Le dernier nous répare la maudite courroie en question. En un temps record. Improbable. Incroyable mais vrai. Je n’y crois pas. Cet ange mécano tombé du ciel est réparateur de tracteur. Merci grandement. Un autre est même arrivé car sa femme lui avait parlé de nous ! En quelques jours nous avons donné beaucoup de cartes de visite de notre blog. Un grand plaisir et un signe d’échange, de partage et de rencontre.
Un parc d’accrobranche repéré sur la route et promis aux enfants finit en beauté cette journée. La panne est déjà derrière nous. Loin derrière. Seuls les bons moments restent. Les imprévus, les tracas, les contraintes passagères s’envolent. Elles restent légèrement en tête (juste ce qu’il faut) car elles sont sources d’anecdotes à raconter. Histoires dont on rigole après coup et qui montrent notre capacité à trouver des solutions, à dédramatiser et à repartir vite sur autre chose. Par notre statut itinérant, nous sommes constamment en mouvement. Pas le temps de se morfondre, de s’attarder. Repartir, voir plus loin. Vite. Nous apprenons à gérer nos émotions différemment en voyage. Nos humeurs sont très changeantes. Nos sentiments exacerbés. Les disputes sont plus courtes mais plus fréquentes. Il faut aller de l’avant. Vivre dans un espace réduit nous y oblige. Notre capacité d’adaptation évolue en permanence !
Jeanne et Louise parlent beaucoup de la Russie depuis le début. Elles sont impatientes. Peut être le côté loin sur la carte. Louise a travaillé dessus l’an passé en maternelle (spéciale dédicace à sa super maîtresse !) et a hâte. À peine mes parents partis, Jeanne attrape le guide de conversation (pour enfants) et le dévore. Les derniers kilomètres avant la frontière, elles révisent à fond. Pas simple cette nouvelle langue. Je suis toute excitée par ce nouveau pays. Impatiente mais aussi un peu stressée par la frontière et cette plongée dans l’inconnu. C’est le grand saut dans le dépaysement. L’ailleurs, sans nos repères.
Arrivés à la frontière, il n’y a pas foule. Il est tôt, nous avons dormi à côté. Nous passons tout droit sans trop réfléchir. Le douanier nous indique gentiment une petite guérite que nous avons loupé apparemment. Passage obligé avec premier contrôle des passeports. Nous sortons de l’Estonie après un deuxième contrôle rapide des passeports et des papiers du camion. Nous traversons le no man’s land. C’est toujours impressionnant ces portions de route qui n’appartiennent à aucun pays. Nous voici à l’entrée de la Russie. « Ça veut dire quoi check point maman ? » J’aime leur apprendre des mots qui appellent au voyage à eux seuls.
J’ai dit aux filles d’être les enfants les plus sages du monde pendant ce laps de temps. Ça ne marche pas trop. Je leur ai aussi dit qu’elles auraient le droit de se disputer ou de crier si on trouvait le temps un peu long. De faire du bruit pour tenter d’accélérer les procédures qui peuvent être parfois très longues. C’est du vécu pour une frontière d’Asie centrale !
« Samuel tais-toi tu vas tout faire rater. » Jeanne aussi zen que sa mère. On la croirait en train de faire un casse dans une banque ! C’est vrai que je leur ai mis la pression. Baptiste gère l’administratif avec son plus joli sourire comme pour les amadouer. Je canalise les enfants. Je souris nettement moins. Il se passe deux heures entre notre arrêt au poste de douane et le moment où la barrière s’ouvre. J’ai comme l’impression de sortir de prison. Nous sommes libres. Libres de circuler, visiter, entrer.
Ils étaient quand même cinq à un moment à fouiller le camion. Un grand monsieur (qui n’avait pas l’air commode) prenait des photos. Un autre en tenue militaire épluchait le contenu de notre pharmacie. On sentait bien leurs regards amusés et curieux sur notre embarcation plus que l’envie réelle de tout vérifier. Une douanière parlait étonnement bien français. Elle nous a aidé à remplir les papiers et s’est presque excusée pour le dérangement de nos banquettes. Le récit de Jeanne dans son carnet de bord est assez fidèle.
Pskov. Première ville russe. Premier arrêt à la Banque. Changement de monnaie. Premier cap vers le dépaysement. Le rouble remplace l’euro. 70 R = 1€. Nous quémandons de l’aide au distributeur. Tout est inscrit en russe. Louise s’écrit « Spasiba » quand les billets sortent. La guichetière sourit, touchée du seul mot connu (merci) pour le moment !
Les premières images de la Russie ont un goût d’Asie. Une écriture illisible pour nous. De grandes vitrines teintées pour les magasins. Des distributeurs d’eau et de lait dans la rue. Des immeubles luxueux avoisinent des façades délabrées. Les visages, les tenues vestimentaires, les plats cuisinés. Peu à peu, beaucoup d’éléments vont nous toucher particulièrement et nous rappeler des pays d’Asie centrale comme l’Ouzbekistan ou le Kirghizistan.
La ville est belle, et touristique. Un palais aux coupoles dorées et vert vif domine toute la ville. Installé en hauteur, cerné par ses murailles blanches, il nous rappelle les monastères tibétains. Une touche asiatique à nouveau. La ville est ponctuée de clochers arrondis. À mi-chemin entre mosquées et églises, ces églises orthodoxes sont une invitation au voyage. Des havres de paix et des lieux de rencontre avec la vie locale. Ces bulbes colorées sont l’image qui de la Russie que nous emmagasinerons le plus. Omniprésents, ils se multiplient à l’horizon au fil de notre avancée sur la carte.
Nous redécouvrons la vie au camping. Première fois de ce voyage. Nos très rares nuits en camping, nous étions seuls ou presque. Là, une caravane de 20 camping-car nous a encerclé dans la journée. Berlin-Pekin en moins de 6 mois. Ils sont fous ces retraités ! Notre itinéraire sur la carte paraît bien petit. Nous ne recherchons pas la course aux kilomètres. Leur première question est tous la même : « Comment font les enfants, ils ne vont pas à l’école pendant 6 mois ? » Quand nous répondons que nous sommes enseignants c’est bien la première fois qu’on donne un peu de crédit et de valeur à notre belle cette profession ! Pratique hein, d’avoir des parents enseignants ? Je suis moins sûre de la réponse des filles !
Avant l’invasion de ces suisses et de ces allemands (gentils mais nombreux) nous avons passé une belle journée sans faire rouler le camion. Une première. Envie d’une pause. Nous nous offrons le seul restaurant à la ronde. Un peu luxueux pour nous mais une fois n’est pas coutume. Le menu en russe est déroutant mais un serveur a à peu près notre niveau d’anglais. Limité mais suffisant !
Le camping est en bord de route donc le paysage manque d’intérêt mais il y a des jeux pour les enfants, des vélos à disposition, un labyrinthe en bois, et surtout un parcours d’accrobranche dans la forêt avoisinante qui nous occupe tout l’après-midi. Ce qui nous décide à rester une nuit de plus. Histoire de ne pas reprendre la route trop tardivement et afin de profiter de ce grand soleil. Nous sommes en tee-shirts. Quel bonheur. Nous regrettons les shorts qui arrivent dans notre sac d’été à St Petersbourg. Dans 3 semaines. L’apéro dehors est un plaisir sans nom. Nous rangeons les manteaux et les bonnets au fond d’une banquette et sortons à la place les espadrilles !
Samuel n’ayant pas fait de sieste, il s’endort très vite pour une fois. Notre soirée commence à 20h. Jeux de société, chamallows, et précieux moments avec les filles. On l’aime fort notre petit Sam mais il demande une énergie et une surveillance permanente qui est assez épuisante et chronophage. Les filles sont aussi très demandeuses de notre attention et de notre affection. Nous nous efforçons de contenter le trio au mieux !
Le bord des routes est jonchée d’ordures. Le tri des déchets semble inexistant en Russie. Les pays précédents étaient tellement assidus. Nous suivons l’axe principal pour rallier Moscou. Les routes secondaires sont rares et ne sont que des pistes. La route file. Toujours tout droit. Assez monotone mais sans difficulté pour se repérer au moins. Les panneaux sont traduits. Enfin Moskova tout du moins. Parfois il y a quand même de quoi s’arrêter pour une belle photo, une belle maison par exemple ou une scène étonnante comme ces vendeurs de peux de bêtes et d’animaux empaillés.
Jeanne en démarrant notre premier grand jour de chaleur. « On peut mettre la clim ? – Ah ah ah. T’as pas choisi le bon modèle ma chérie ! » Jeanne, toujours confortablement installée sur son gros nuage, continue de planer par moment. Sa liseuse en main, on peut rouler des kilomètres sans l’entendre. Dans sa bulle de lecture, elle ne perd pourtant rien de nos conversations et intervient par moment. Elle a besoin de ses moments de solitude. Sa mémoire est assez impressionnante. Elle peut redire de tête des passages, des dialogues lus. Sans compter le vocabulaire emmagasiné. J’arrête là mon laïus sur les qualités de ma fille mais je suis tellement fière de ses talents de lectrice qui impressionnent souvent. Tout parent espère secrètement que son enfant aime lire et plonge avec délice dans les livres (notamment pour contrer les écrans omniprésents dans notre société). Je n’ai pas de recette excepté offrir le support livre régulièrement (bibliothèque ou brocante) et laisser du temps pour cette belle occupation. Et puis plus jeune, ritualiser les lectures d’histoires. Samuel devient très demandeur de livres et d’imagiers. Louise qui s’est lancée facilement et rapidement dans la lecture alterne lectures seules et histoires lues avant le coucher ou en roulant. En ce moment, je lui lis un récit à hauteur d’enfants sur la seconde guerre mondiale (« Les grandes grandes vacances »). En 4 tomes, nous voilà occupés pour quelques soirées. Toute la famille écoute attentivement. Au saut du lit, Louise en redemande ! Ce moment de plaisir partagé entre parents et enfants est une source inépuisable de partage et de découverte. Un peu comme le voyage finalement.
Samuel, les yeux rivés sur la route, peut passer de longs moments à s’écrier : « voiture, camion (canion) moto, tracteur, pelleteuse (teuse), police, vélo (bélo), chien. » La route est un imagier géant où il s’émerveille de tout. Sa passion pour les véhicules aidant. Il continue de nous épater par son évolution et sa capacité à suivre notre rythme de fou. Avec son statut de numéro trois, il s’adapte facilement. Il copie des sœurs, en bien ou en mal ! Toujours charmeur, ses mimiques nous font craquer.
Louise aime regarder des photos, lire, dessiner, colorier, jouer à la poupée, à des jeux de société. Elle aime que je sois près d’elle en roulant. Je me partage entre l’occuper et juste être près d’elle pour que ma présence la rassure. Louise s’angoisse vite quand la distance entre nous s’étire. Depuis toujours. Dans la rue, elle tient fermement notre main. Au parc, elle repère notre banc avant de s’éloigner. Je me demande toujours s’il y a un lien avec sa surdité. Cette différence crée certainement des angoisses, des peurs, des craintes supplémentaires.
Reprenons notre carnet de voyage. Les villes semblent parfois d’un autre temps. Beaucoup de misère visible. Des cabines téléphoniques nombreuses. Des vieilles camionnettes pour les ambulances ou la police. Tout droit sortis d’un film d’époque. Beaucoup de russes sont habillés en veste militaire. Les monuments aux morts sont innombrables. Les entrées de villes avec des lettres sculptées gigantesques font très couleur locale. Les premières images d’un pays sont toujours celles qui restent. On ouvre grand les yeux, on emmagasine. Après on s’habitue. Les nouveautés s’effacent peu à peu et l’œil apprivoise le dépaysement. Les gens sont plutôt sympa. Un peu rustres au début puis au final presque doux. Aimables et aidants. L’anglais est vraiment peu courant. La communication n’est pas toujours simple mais on se débrouille. Chacun y met du sien. On mime, on montre un carnet de dessins, on pointe des mots sur le guide de conversation.
L’organisation dans le camion s’améliore. Encore un peu. Même si nous avons vraiment pris nos marques en plus de deux mois. Les enfants mettent plus la main à la pâte. Ou nous sommes un peu plus exigeants en les voyant grandir et en partageant le même quotidien du matin au soir. Louise aime installer le lit de Sam. Comme un petit matelot, elle tire vaillamment sur les cordages pour dénouer une série de poulies et faire descendre le lit de son petit frère. Jeanne dispose avec précision le rideau gris qui nous procure un peu d’intimité du soir au matin et limite la luminosité de fin de journée pour endormir Samuel. Il recouvre par l’intérieur les fenêtres avant et le pare-brise. Samuel aide à mettre la table. Il tient notre pile d’assiettes en émail avec autant de soin que son précieux sac de voitures (le petit sac bleu clair qui apparaît sur nombres de photos et dont il ne se sépare jamais). Il est toujours partant pour aller chercher les serviettes, du sel, de l’eau. Ou mettre la vaisselle sale dans l’évier. Ou apporter les desserts. Louise nous aide en allant souvent à la poubelle et continue de m’accoyaux courses. Jeanne se propose gentiment pour essuyer la vaisselle ces derniers temps. « Tu sais maman c’est quand même bien de pas avoir de lave-vaisselle. Ça nous apprend à essuyer la vaisselle, à vous aider. Je trouve ça bien. »
« Mais carrément ma jaja. T’as tout compris ! » Pensées intérieures réjouissantes. C’est assez agréable de voir le coin cuisine bien rangé au petit matin. Nous avons vieilli, car au voyage précédent, la vaisselle sale du dîner débordait de l’évier ! Les enfants prennent part au voyage et à notre quotidien à leur façon, à leur niveau. Les filles s’occupent aussi beaucoup de Samuel. Je crois que ce voyage leur a permis de mieux le connaître. Nous nous connaissons mieux tous les cinq maintenant. En couple, en fratrie, en famille, nous sommes constamment ensemble. Le temps s’étire et nous apprenons à peaufiner les portraits de chacun de nous.
En parlant de portrait, Louise s’est dessinée un jour en roulant. Quelques minutes plus tard, je la voyais rêveuse (alors que j’aidais Jeanne à résoudre une série d’énigmes) quand elle s’est retournée vers moi avec ses yeux pétillants et son sourire malicieux : « Maman je me suis dessinée, j’ai fait mes appareils. » Rien que la sentir fière de son portrait me rendait déjà heureuse, sentir l’importance pour elle d’avoir ajouté cette particularité inhérente à sa personne encore davantage, et puis découvrir de mes yeux émus cette œuvre d’art. C’en était trop. Un bonheur infini. Avec ce dessin, je réalise le chemin parcouru par Louise. Ses appareils, bien que amovibles, sont un trait de son visage, une particularité physique, une différence qui la fait grandir plus vite. Un handicap qui lui appartient pour toute la vie. Point qu’elle réalise doucement. Douloureusement même certains jours. Il y a des crises de larmes cycliques. Larmes partagées. Handicap qui je le sens, j’en suis presque persuadée, va lui apporter beaucoup dans sa vie. Et dans notre vie, car la différence de Louise appartient à notre famille. Nous sommes avec elle, autour d’elle. Jamais loin sans être trop près pour la laisser libre et autonome.
Avant Moscou, nous ferons encore deux haltes. Une première en pleine nature après plusieurs kilomètres sur une piste chaotique et poussiéreuse. Nous découvrons la campagne russe. Des maisons en bois. Certaines très soignées, colorées, aux jardins bien arrangées. D’autres délabrées, aux vitres cassées, aux toits éventrés. L’effondrement de l’URSS a fait fuir des populations qui ont dû tout laisser derrière eux. C’est encore visible aujourd’hui.
Le lendemain, autre décor au pied d’un joli monastère blanc étincelant qui s’impose de loin avec ses dômes dorés et verts. Balade de fin de journée très appréciable pour se dégourdir les jambes avec des centaines de kilomètres avalés. Les filles sont courageuses et travaillent un bon moment (aidé par l’inhabituel calme de Samuel qui joue aux voitures pendant presque une heure). En récompense, un camion de pizza nous tend les bras de l’autre côté du monastère. miam. J’aime ce genre d’imprévus !
Coup de blues des filles la veille de notre arrivée à Moscou. Longue soirée pour réussir à les endormir. Sam sombre relativement vite ce soir là heureusement. Jeanne et Louise bouquinent tranquillement quand subitement nous entendons des sanglots discrets et étouffés. Je monte voir en passant la tête au niveau de leur lit. « Jeanne ? Ça va pas ? – Je veux rentrer maman. C’est trop long le voyage. Je veux ma chambre, mon lit, mes copines. C’est trop dur de vivre à cinq dans ce petit camion. » Elle lâche tout d’un coup. J’encaisse. J’acquiesce. Je réconforte. Baptiste câline Louise qui s’est mise à pleurer aussi, très fort. Émotions contagieuses. Louise réclame aussi ses copines et son cousin chéri Gaspard. Elle recompte péniblement les mois qui restent et trouve qu’il en reste bien trop.
J’explique à Jeanne que par moment j’ai envie de rentrer aussi mais que ça ne dure pas longtemps. Mes amis et ma famille me manquent aussi. Et un peu d’espace et de temps rien que pour moi aussi. L’envie de poursuivre l’aventure reste cependant plus forte que tout. Un joli moment en famille, une belle visite, un paysage unique. Des petits bonheurs ajoutés chassent vite l’idée du chemin du retour. La maison attendra. Il faut profiter ma Jeanne. Pas de réveil, pas d’école (moins disons), pas de devoirs. Une grande liberté guidée par nos envies. C’est notre seul cap à tenir. Tu verras demain ça ira mieux. Envoi d’un SOS aux familles pour une cascade de messages doux et réconfortants. Tout le monde s’endort, à peu près paisiblement. Des images de chez nous en tête, des têtes connus à l’esprit. C’est vrai que ce n’est pas évident tous les jours mais quand je soulève le rideau avant de m’endormir et que je photographie dans mon esprit ce monastère brillant sous les projecteurs, je laisse mes doutes passagers et ma culpabilité de parent voyageur de côté. Le monde est bien trop beau pour rester chez soi. C’est vrai que les enfants n’ont pas choisi ce grand départ, nous leur avons imposé. Nous sommes quand même rassurés. Le sourire des filles est revenu après leur avoir souligné la chance que nous avons d’être en famille continuellement. Passer tout ce temps ensemble est une chance unique mes chéries. On ne lâche rien !
On continue de visiter Moscou et on revient vers vous pour tout vous raconter sur cette capitale démesurée. Qui vaut bien un article à elle seule. Sachez qu’on se régale. On vous embrasse affectueusement.
JuBaJaLouSam
Bonjour les amis,
Bien content de vous savoir tous en pleine forme et de lire vos aventures incroyables. Du coup j’ai un peu l’impression de voyager avec vous !
Portez-vous bien et bonne continuation.
Bises !
Cool que vous suiviez nos aventures. Merci ! On aime bien savoir qui nous lit. Bisous
Mais oui Samuel, tu es presque aussi effrayant que l’ours ! (tout est dans le presque)
Je vous embrasse fort
J’adore cette photo! Il était tellement drôle. C’est une vidéo qu’il aurait fallu. Bisous gros bidon.
Merci pour votre partage, nous voyageons avec vous, ,nous profitons de vos aventures et de celles de votre camion, bravo pour ce temps béni et suspendu où vous avez le temps de profiter du voyage et des enfants,
Très affectueusement,
Les six Donnarumma
Merci pour tes commentaires fidèles Maicou. Oui carpe diem. Plein de bisous au clan Donna.
Ayant appris plus jeune (!) que l’Europe s’étendait de l’Atlantique à l’Oural, j’ai lu avec délice, en bord de la mer d’Iroise, la suite de votre échappée belle de plus en plus à l’est…
Les photos sont chouettes, les frimousses du trio comme les acrobaties aussi, le texte super intéressant!
On vous évoque souvent avec les cousins qui profitent de l’air marin et de la plage,
Des poks bretons de
Gros bisous d’est en ouest. Chacun son bout du monde ! À bientôt au tél…
Coucou Jeanne , Louise et Sam!
On est toujours impatientes de voir ce que vous avez visité! on aime bien vous voir sur les jeux! Vous en avez de la chance! Un voyage comme ça ,ce n’ est pas donné à tout le monde !
Charline et Juliette
Merci, oui on a de la chance, c’est vrai. On en profite chaque jour. Bisous Jeanne et Louise
Loulou tu me manques et j’ai hâte de te retrouver pour jouer et rigoler avec toi, et pour faire un spectacle de cirque. Je trouve que Sam a beaucoup grandi et Jeanne et toi aussi. Je suis à Camaret et il y a des travaux. J’ai beaucoup aimé la photo de l’ours. Je t’aime Loulou chérie. Et j’aime aussi Jaja, Sam, Juju et Baba. J’ai envie de voir ma marraine. Je vous envoie de gros bisous. Gaspou
Mais qu’il est chou ton message mon Gaspou! Merci bcp. Nous aussi on t’aime, toi aussi, tu nous manques fort. Plein de bisous de Juju et Loulou (et les autres) à partager avec tes parents et ton petit frère.
On aime te lire et vous imaginer ! C’est une magnifique leçon de vie 😍! Profitez en à fond, on chasse le petit cafard, tout ceux que vous aimez seront là en juillet les filles 😘 Des gros bisous aux 5 globe trotteurs 🌍
Violette, Matthieu, Léonard, Anna et Noé
Merci ma Vio. Le moral des troupes est au beau fixe. J’espere que ta tribu va bien. Bisous Ju and co.
Salut les jubalousam! Je vois que vous ne vous ennuyez pas, Jeanne joues-tu à la Ds?
Quel voyage! L’ecole a l’air cool.
Moi je suis en vacances, j’ai fait un stage de foot à Montpellier la semaine dernière (avec les parents), maintenant je fais du tennis à Marseille avec ma marraine. Encore 4 jours de vacance pour moi et ensuite école….
Bisous à tous.
Max
Je joue à la Ds mais pas autant que je lis. Après Moscou on est sur la route de Saint Petersbourg. Mes parents m’ont acheté des matriochkas Harry Potter. Bisous Max
Jeanne
Quelle belle lumière sur toutes ces photos.. d’émotion que vous nous faites partager. Cette fois, avec la Russie ça sent vraiment l’aventure. En espérant que le camion se tienne tranquille maintenant, profitez en bien. Bonn
e continuation et bises à vous tous. Véro Sallé.
Pour l’instant le camion se tient à carreaux. Pourvu que ça dure. La Russie est un vrai dépaysement comme tu dis. Ça nous plait bien! Bisous