La Suède d’est en ouest

Hello les amis,

La Suède est notre neuvième pays. Ce n’est pas le pays qu’on aura le plus parcouru. Essentiellement la partie sud. Nous avons un peu manqué de temps et il est assez grand finalement ! Et le soleil, malgré un bon début, n’a pas suffisamment brillé pour nos cœurs de vacanciers. La pluie, heureusement rare dans notre périple, s’est (trop) largement invitée pendant nos pérégrinations suédoises.C’est la Norvège en modèle réduit comme s’écrit Jeanne le premier jour. Nous avons passé la frontière au milieu d’un pont gigantesque sur une autoroute. Rien de bien significatif.

La Suède avant d’y être représentait le pays du groupe mythique ABBA, le pays de IKEA, et le pays de Fifi Brindacier. Sur place, on gardera l’image d’un pays moins sauvage que la Finlande et la Norvège. Plus peuplé aussi. Des autoroutes plus nombreuses. Aidantes pour traverser le pays à vive allure mais appelant moins à contempler le paysage. Un pays facile à visiter. Une capitale très agréable et des coins charmants bien que touristiques avec la saison des vacances entamée. Un pays où les brocantes sont nombreuses pour notre plus grand plaisir. Des gens souriants, des familles nombreuses.

Les suédois (et suédoises) sont beaux. Tous blonds, tous fins et élancés. Ils ont la classe. Bien habillés, bien stylés. Une élégance naturelle. Les magasins de déco et de prêt-à-porter présentent des articles raffinés. On a envie de tout ! Nous arrivons à la période des grandes vacances et les familles sont plutôt nombreuses. Avant, on ne croisait que très peu d’enfants. Les petits sont contents.

Nous sommes descendus dans la foulée sur la côte rocheuse du Bohulsan. Les îlots rocheux et les falaises ont remplacé les montagnes démesurées et les fjords norvégiens. C’est charmant. Autrement mais tout aussi charmant. Surtout sous un grand soleil d’été. Smögen, une île reliée par un pont au bout d’une large presqu’île est notre première halte suédoise. Pique-nique sur la plage, baignade et farniente. Ou presque disons. Nous gardons un œil sur le trio qui s’éclate et ne réclame nullement notre présence. Une petite crique nous retient une après-midi entière. On y est trop bien. Il y a un ponton en angle qui crée une piscine avec peu de profondeur. Les filles sautent avec leurs planches et regagnent la plage. Samuel passe des heures à construire des châteaux de sable. Nous admirons le cadre en appréciant cet instant suspendu hors du temps.

Curieux malgré tout, nous prolongeons sur une pointe au delà de la plage avec une petite balade pour en voir plus. La vue est superbe dégageant des îles de toutes parts. Les filles râlent au début puis sautent de rocher en rocher et marchent gentiment. Des fleurs de nénuphars attirent notre attention. Ce champ de fleurs rouges sur l’eau paraît irréel. Nous rentrons de balade et retournons sur notre petite plage mi-herbeuse mi-sableuse. Les gens sont partis nous finissons par être seuls. Isolés sur cette crique en bout de chemin perdu. Heureux tous les cinq de cet air de vacances dans notre périple.

On est en vacances depuis plusieurs mois et on ne cesse de savourer mais les journées sont chargées, le timing parfois serré, les kilomètres alignés et nous ne soufflons pas beaucoup. Nous tenons un certain rythme. Parce que nous sommes hyperactifs, que nous avons la bougeotte. Parce que nous apprécions le voyage quand il nourrit suffisamment notre appétit de découvertes et de curiosités en continu. Cette douce  météo offre des journées à la plage en cascade et nous relâchons un peu la « pression » avec un rythme de visite ralenti. Le beau temps nous fait vivre dehors et c’est délicieux. Nous nous levons, le soleil rayonne et la vie dehors commence tôt et dure jusqu’au coucher. La vie en camion prend tout son sens et tout devient si simple.

Garés sur un parking indiqué par l’office du tourisme, nous nous rendons compte en partant qu’il s’agit en fait d’un pseudo camping. Il fallait payer en ligne normalement. Oups. On ne voit ça qu’en Scandinavie. Le français n’est pas assez respectueux, honnête pour appliquer un règlement, payer sans personne pour lui réclamer son dû, il ne sait pas faire.

Nous poussons plus loin sur l’île de Smögen pour sillonner le centre-ville à pied. Les ruelles sont des pontons. Les maisons sont sur pilotis. La ville flotte. Les façades colorées en bois des cabanes de pêcheurs devenues des habitations créent un alignement coloré très photogénique. Touristique donc animé et fourmillant de familles suédoises, la ville reste attirante. Tout à fait charmante même.

Nous dégotons dans la foulée, un nouveau spot de plage idyllique. À nouveau des pontons, des rochers, une eau claire, du sable blanc et des plongeoirs. Nous avons acheté une épuisette aux filles. Les voilà parties à la pêche au crabe et aux crevettes. Une famille attrape quantité de crabes en les appâtant au jambon. Louise réclamera ce jour là un ultime sandwich au jambon. « C’est pour toi ou pour les crabes !? »

Louise craque un soir. Elle voulait écouter une histoire (sur sa boîte à histoires dont elle ne se sépare plus) avec Jeanne. Jeanne ne veut pas partager l’histoire. Elle attend que sa liseuse se recharge et ça l’obsède. Louise éclate en sanglots: « Elle veut jamais jouer avec moi cette sœur. À part des tous tous petits moments. Elle lit tout le temps. J’en ai marre. » Silence dans le camion. Jeanne semble embêtée. Louise dévastée. Baptiste passe la tête en haut dans le lit des filles. Il leur parle, les réconforte. Louise dit à Jeanne : « Tu peux choisir l’histoire si tu veux. » Jeanne cède. Consciente de passer beaucoup d’heures à lire. Pas toujours consciente que sa passion est plus forte qu’elle, et que le monde autour d’elle continue de tourner. Pourtant ces derniers jours, sur la plage, elles ont passé justement beaucoup de temps ensemble. À jouer, à organiser leur pêche, à se baigner. J’aime les voir jouer et comploter ensemble sur des idées de jeux. Ce voyage les aura cependant rapprochées. Elles ont besoin l’une de l’autre. Quand on parle du retour, on parle souvent de notre appartement et d’éventuels réaménagements. J’ai évoqué l’idée que Jeanne prenne la chambre de Sam pour être plus au calme pour lire, travailler et avoir plus d’intimité. Elles ne semblent pas encore prêtes à se séparer les frangines. Je cache ma joie devant elle mais je trouve ça très touchant.

Chaque spot de plage est un cran au-dessus en beauté, en vue, en baignade, en installation ! Un vrai bonheur. La pêche au crabe et à la crevette devient donc la nouvelle passion des filles. Surtout Jeanne, très organisée qui a observé les petits enfants suédois à l’œuvre. Une épuisette, un fil de pêche avec une pince à linge attachée et des appâts : du jambon blanc chipé dans le frigo. Et un seau pour la récolte. Elles se posent sur un ponton, et attendent. Belle apprentissage de la patience la pêche. Sur notre troisième spot de plage, elles partent main dans la main sur un ponton qui traverse la mer jusqu’à une île en face de nous. « Vous faites attention les filles ? » Jeanne « Maman tu nous fais confiance ? » J’angoisse toujours un peu de les voir penchées au bord de l’eau à scruter les crabes et les crevettes à attraper. L’eau est si claire. 2 crabes, 3 crevettes et 2 bigorneaux rempliront leur épuisette puis leur seau.

Les plages de la région ont toutes une zone d’herbe qui jouxte la plage. Ce mélange d’herbe verte, de sable blanc et de rochers gris est doux à l’œil. Et très agréable pour se poser et admirer la vue des bateaux, la vie des vacanciers suédois et surveiller les enfants !

Après une courte visite de Göteborg, un peu trop calme en ce dimanche après-midi où tout est fermé et où les rues sont quasi désertes, nous mettons le cap sur Stockholm. Laissant la plage et le soleil derrière nous. Pour un moment. Nous nous offrons une pizza puis sortons de la ville pour se trouver un coin pour dormir.

Jeanne se réveille à 4h30. En pleine forme. Elle me fait un gros câlin, me dit j’ai bien dormi. Je regarde l’heure ! Je la remets au lit et me rendors. Elle a lu. Ne s’est pas rendormie et a même été aux jeux vers 6h faire un coup de tyrolienne ! Résultat la journée du lendemain a été très longue pour elle …et elle s’est endormi à 20h30 ! Sacrée jaja !!

Pour rallier Stockholm, notre route passe de la côte ouest à la côte est. Journées pluvieuses. Courses obligatoires. Après la Norvège, nos placards sont bien vides. On avait gardé beaucoup de conserves pour limiter nos achats là-bas. On en profite donc pour se ravitailler. On a retrouvé des supermarchés plus abordables. On se lâche. On va pouvoir enfin varier davantage nos menus. Louise, mon acolyte aux courses pioche dans les rayons et remplit son mini caddie. Elle me donne des idées de menu. On a envie de tout. Journée pluvieuse, journée studieuse. Les filles bossent bien. On a pas encore fixé la fin de l’année scolaire officielle mais le rythme s’est ralenti ! On travaille régulièrement (on ne regarde pas le jour de la semaine pour faire école) mais sur un temps plus court qu’une journée de classe. Et en même temps avec pratiquement des cours particuliers. L’un dans l’autre, elles devraient être à peu près à la hauteur pour la rentrée ! Journée pluvieuse, passage à la case lessive. On rentabilise !

Vadstena et Nordkipping sont sur notre route pour rallier Stockholm. Toutes deux alléchantes à la lecture du guide. Vadstena fait l’attraction avec son château entouré d’eau où les bateaux sont amarrés dans cet étonnant port constitué par les douves.

Nordkipping, ville industrielle, est parcouru de musées, de ponts, de passerelles et de cascades. Et de jolies boutiques dont une brocante où nous faisons des folies ! Folies raisonnables car leur condition première est d’être transportable.

Certaines journées, pourtant simples, sont belles et simplement heureuses. Rien de fou forcément. Juste du temps additionné ensemble. Ce temps accumulé commence à chiffrer au compteur. Je me répète souvent en classe que je vois plus certains élèves que leurs propres parents. Et que mes propres enfants. Je me rattrape. On se rattrape tous. Tous les 5, en trio ou en duo. On a tellement de temps à partager. Une soirée ciné à 5 avec des cornets de pop corn préparés par les enfants. Jeanne qui me prend la main « viens maman on va voir le coucher de soleil » suivi de « j’aime bien ces moments avec toi maman » et d’un retour jusqu’au camion en faisant un enchaînement de roues dans l’herbe en pyjama. Son bonheur se lit sur son visage illuminé et son grand sourire. Ces mots écrits à la volée relatent le côté authentique de ce voyage. On ne planifie pas ou peu. On se laisse porter, vivre, avancer. Et quand Jeanne s’exclame « Vous êtes les meilleurs parents du monde ! ». On prend. C’est loin d’être vrai mais on essaie de les faire grandir dans une famille où les rêves sont possibles. J’aime bien la citation « Suivez vos rêves, ils connaissent le chemin. » Dans une famille où chacun a sa place, où l’on s’écoutent, ou l’on s’aide, où l’on apprend à se comprendre et à se connaître. Une famille où l’on partage. Espérons que toutes ces valeurs resteront au-delà du voyage…

Je suis complètement accro à l’écriture après bientôt 5 mois de voyage. Je pense mes phrases. J’écris des mots dans ma tête. Puis je les dépose sur le clavier. Je remanie. Je relis. Je supprime. Je modifie. Je pense à mes lecteurs. Puis je les oublie et transforme mon récit en plus intime. Puis je me demande si j’ose. Je choisis les mots, les tournures, les idées. Le fond, la forme. Parfois je fais des pauses. Rarement plus d’une journée sans produire du texte. Je pense à mon prochain article. Je repense au précédent. Je guette les commentaires. Je souris en les lisant. Je ne pourrai pas voyager sans écrire. Je les aime autant l’un que l’autre. Ils sont trop liés. Plus forts ensemble. Tellement inspirants. Le voyage pousse à écrire. Écrire demande de voyager. Pour moi. Je me sens tellement libre quand j’écris. C’est tellement vivifiant de poser sur papier (ou écran) les émotions du voyageur. La fatigue du voyage accentue les émotions. Nos sentiments sont exacerbés. Quelle joie cet élan d’écriture qui me porte et me fait vivre en voyage.

La classe de Jeanne suit l’aventure de près. Ils lisent le blog en classe et nous avons eu quelques rv téléphoniques. Jeanne est tellement fière de leur raconter nos aventures. Ils posent leurs questions et Jeanne répond méticuleusement. Merci à eux de ne pas avoir oublié leur camarade partie en cours d’année ! Et merci à Teddy, son maître, partant depuis le début pour suivre notre périple.

Stockholm, capitale charmante aux allures flottantes est une ville apaisante. 14 îles. 57 ponts. Des canoë, des joggers, des cyclistes. Les stockholmois sont sportifs et dynamiques. Le centre-ville historique est agréable avec ses ruelles pavées et ses façades colorées. Brocantes, boutiques de design, jardins. Tous les bons ingrédients sont réunis. Nous sillonnons facilement à pied et nous garons en plein centre pour dormir, alignés avec d’autres camping-car.

Le Parc Skansen : un parc tout en un. Zoo, aquarium, musée en plein air avec habitats d’antan. Une mairie, une poste, une école, une ferme, une église. Un vrai voyage dans le temps. Le paradis des enfants. Malgré la pluie qui a accéléré la fin de journée, nous avons passé une belle journée.

Nous rentrons plus tôt au camion en ce moment. Comme un besoin de ralentir le rythme, de suspendre le temps. Comme une envie de se poser un peu plus chez soi. Profiter pour lire, écrire, jouer, bricoler. Juste se poser. On a besoin de se laisser prendre le temps le matin. On a besoin de rentrer tôt au camion pour se retrouver chez nous. Les petits aiment faire des activités manuelles, des jeux de construction, des dessins, des jeux de société. Dans le camion c’est comme à la maison. Tout est plus petit c’est tout. Posés sur nos sièges de jardin ou nos banquettes fleuris à l’intérieur, on remplace les pauses détentes dans le canapé par notre mobilier restreint. On y est bien.

Le musée Vasa est un des incontournables de la capitale suédoise. Un musée bâti autour d’un navire qui a sombré le jour de son inauguration et a été conservé 300 ans au fond du port de Stockholm grâce à une eau plutôt douce. Restauré entièrement après avoir été renfloué, le résultat est impressionnant. Jeanne vous raconte notre visite dans son carnet de bord. Nous avons eu une visite en français fortement appréciée et intéressante. La guide passionnée et passionnante a fait rire son auditoire en montrant une reproduction de la chambre du roi et en évoquant un lit ikéa du 17 ème siècle qui se déroulait ingénieusement.

Nous passons un bon moment (pour échapper à la pluie) à la bibliothèque de Stockholm. Devenu un incontournable pour nous, ce havre de paix satisfait tout le monde.

Nous terminons notre découverte de Stockholm avec le quartier sud : Sodermann. Nous déambulons dans les rues piétonnes vallonnées. On est samedi. On entrevoit la vie locale. Les familles au parc, les amoureux en balade ou au café. Et les touristes dans les artères principales.

Il est temps de rejoindre l’embarcadère pour le ferry, direction l’île de Gotland. 3 heures de traversée en bateau. Une belle lumière de fin de journée sur la mer paisible.

Nous visitons Visby le lendemain, la ville principale de l’île d’où partent les liaisons en bateau. Une ville fortifiée avec des églises gothiques en ruine, une cathédrale magnifiquement restaurée avec ses clochers en bois. Des remparts qui encerclent la vieille ville. 80 tours carrées avec leurs créneaux qui renvoient facilement aux temps moyennageux.

Nous nous offrons une pizzeria car le soleil apparaît par intermittence (la plus persiste plus souvent) et le vent est frais. On sent la brise du bord de mer. Une brocante attire notre œil. Elles sont nombreuses en Suède. Bon point, on aime tellement chiner. L’oubli de la casquette de Louise à la cathédrale permet à Baptiste de repasser discrètement à une belle brocante où des assiettes fleuries rouges nous avaient tapées dans l’œil. J’aime les souvenirs de vaisselles car ils appartient au retour à notre quotidien et prolongent le voyage en lui donnant une place chez nous. Nous craquerons aussi sur la fin de la Suède pour des lampes de bureau pour les filles. La rentrée se prépare.

Le village de pêcheurs de Lackmann est charmant. Sur la côte ouest plus au nord. Nous nous baladons en bord de falaise pour approcher et admirer des roches aux contours ondulés. Ces aiguilles de pierre détachées de la côte sont appelées des raukars.

Tout était parfait jusqu’à la dernière photo. Jeanne et Louise sont debout sur un rocher au premier plan de ce relief rocheux d’une douzaine de mètres de hauteur. Je ne sais pas bien comment ni pourquoi Louise tombe en arrière et entraîne Jeanne dans sa chute. Je les vois littéralement disparaître derrière le rocher en forme de tortue qui les amusait tant quelques minutes auparavant. Je hurle et m’approche en courant. J’ai Sam dans le dos qui dort. J’accours avec Baptiste qui n’a pas vu la chute mais comprend à mes cris que c’est grave. Baptiste attrape Louise. J’attrape Jeanne. Louise se tient la cheville, elle n’arrive pas à se relever. Elle pleure à chaudes larmes. Jeanne est tombée sur la tête et quand je l’attrape elle saigne des lèvres et du nez. Son visage est bien égratigné. Elle est sonnée et très choquée. Elle a plusieurs bosses la tête. Je la tiens sur moi et lui parle. « Maman j’ai cru que j’allais me noyer. Je me suis vue dans l’eau. » Elle fond en larmes et me serre fort. J’ai eu tellement peur. Elles ont eu tellement peur. On a eu tellement peur. Jeanne a eu un petit trou noir entre le moment où elle tombe et le moment où elle est dans mes bras. Nous calmons les filles, serrant chacun dans nos bras l’une d’elles à tour de rôle. Louise culpabilise. Jeanne est pallote. J’ai bien cru qu’elle allait faire un malaise. On parle longtemps. On essaie de calmer nos émotions et de rassurer tout le monde. Il faut rentrer mais heureusement la balade était courte. Baptiste porte Louise. Je soutiens Jeanne qui est encore toute flottante. On se pose au soleil pour boire l’apéro. On relativise. Elles vont bien. Enfin on espère. Notre bonne étoile ne nous quitte pas. Pourvu qu’elle finisse le voyage avec nous. Elles n’auraient pas pu tomber véritablement dans l’eau. La falaise n’était pas loin mais il aurait fallu qu’elles glissent brusquement et violemment. Mais le risque était présent. On se souviendra de cette belle chute longtemps. Soirée cinéma avec un Walt Disney pour apaiser les troupes.

Le lendemain Jeanne est encore très fragilisée. Moralement et physiquement. Elle est toute calme, pensive, silencieuse. Sa lèvre est encore toute tuméfiée, très enflée. La cheville de Louise va mieux, bonne nouvelle. Jeanne mange ses crêpes au petit déjeuner lentement mais avec appétit. Elle n’arrive pas bien à mâcher ni à fermer sa bouche. Je lui prédécoupe. Elle s’allonge sur mes genoux et s’endort en quelques secondes. Les émotions épuisent. Elle est encore très choquée. Sa douleur m’accapare. Sa peur liée au souvenir de la chute est encore palpable. Mes yeux brillent puis mes larmes coulent sans prévenir. Contre-coup inévitable. Louise voit tout de suite. Louise voit tout. Elle est très observatrice. Elle vient me câliner. « Pourquoi tu pleures maman ? » Je crois que j’ai eu une peur si grande que je réalise aujourd’hui à quel point cette double chute aurait pu être bien plus grave et bien plus lourde de conséquences. Et je ne veux pas inquiéter Jeanne davantage donc je verse mes larmes alors qu’elle semble apaisée et endormie la tête blottie sur mes genoux. Elle se réveille en sursauts. « J’ai fait un cauchemar. Je tombais dans l’eau près du rocher. » Elle se rendort vite. Puis se réveille à nouveau : « J’ai fait un super rêve cette fois. Le président Macron me désignait meilleure écrivaine de France car j’avais écrit 150000 livres ! » Son joli sourire est revenu. Pour la deuxième fois depuis hier. La première étant au réveil car la petite souris était passée. Bon timing cette dent tombée (sans lien avec la chute !).

L’île de Gotland est jolie mais la pluie et les émotions dûes à la chute des filles ont ralenti notre rythme. La lagune bleue nous permettra une belle balade. Nous aurions aimé aller à la plage et en profiter davantage mais nous écourterons un peu notre séjour. La cueillette des fraises de bois motive les petits, plutôt arrangeants et de bonne humeur malgré la météo fâcheuse.

Cette pluie est démotivante. Nous reprenons le bateau et regagnons la terre ferme. Ces trois jours insulaires avaient un goût différent. Nous n’étions pas dans une logique d’avancer comme quotidiennement dans ce voyage. Juste parcourir l’île, ralentir un peu et ne pas tergiverser pour l’itinéraire, l’incontournable, le passage obligé, l’attraction touristique du coin ! C’était reposant. Et nécessaire pour redynamiser les troupes. Dans un voyage au long cours il y a toujours des moments où l’on s’essouffle. Et cette parenthèse a permis de recharger les batteries pour la suite. Peu de route et moins la course contre la montre.

Pour nos derniers jours en Suède nous avons retrouvé le soleil ! Nous avons dormi seuls dans des petits coins tranquilles. En bord de rivière ou de mer. Nous avons pris le petit-déjeuner dehors, les petits ont joué au foot. Le midi nous sommes sortis de notre route pour nous perdre dans la campagne suédoise. Nous avons dîné dehors au coucher du soleil. Nous avons retrouvé des airs de Finlande avec des lacs, des sapins, des familles en canoë et une petite balade en forêt au milieu des marais, des nénuphars et des planches en bois qui dessinent le chemin. C’était bien. On était content de finir sur ce petit goût de reviens-y.

Et puis juste avant le Danemark il y a eu Malmö. Un coup de cœur. Une ville qui mêle ancien et moderne judicieusement dans son architecture. Une ville où il semble faire bon vivre. Des parcs, de l’eau partout. Un centre piétonnier où terrasses animées et boutiques de design se multiplient. Une ville où avec Baptiste on tombe d’accord tout de suite : « Tiens, on pourrait habiter ici non ? ». Baptiste est tombé sous le charme de Malmö et vous avez droit à une mini-expo sur la ville en images! Toujours accro à la photo de son côté, il affectionne particulièrement l’architecture et les lignes de l’habitat scandinave lui offrent une source d’inspiration inépuisable. Le drône est parfois de sortie et ne nous a pas joué de mauvais tours récemment. On apprend à se photographier de haut, à approcher différemment les paysages, le quotidien.

On dort pas loin de l’incroyable pont de Olesund. Devant un champ d’éoliennes dans la mer. Pas loin d’un adorable petit port avec maisonnettes en bois colorées. Image qui reste celle de la Scandinavie d’un pays à l’autre. Ce pont se transforme en tunnel pour rejoindre le Danemark par Copenhague. À peine installés pour dîner, un couple adorable danois-allemand nous aborde. Curieux, ils veulent tout savoir sur notre voyage. On retrace l’itinéraire sur la carte. Ils vivent en camping-car toute l’année. Chacun le leur ! Mais l’un semble servir d’annexe, de rangement tandis que l’autre est véritablement leur pièce à vivre. Amusant. Ils prennent l’adresse de notre blog, ont des envies de pays baltes et de Russie.

Jeanne coche méticuleusement les jours sur notre calendrier. Je crois bien que ça la rassure. Elle sait où on en est. Elle ne se questionne plus sur le retour, ne l’évoque plus ou presque. Elle profite, elle sait que ce voyage a une fin. Carpe diem. Elle est toujours heureuse le matin et sait apprécier les visites, les musées, les découvertes. Notamment historiques, littéraires ou mythologiques.

Louise est davantage dans l’attente. Elle s’imagine le retour, les retrouvailles avec les cousins chéris, la rencontre avec sa petite cousine, les copines, l’école, la rentrée en CE1. Elle sait profiter à fond de tout ce temps de vacances prolongée offert mais a souvent besoin d’être rassurée, câlinée après une baisse de moral. Le coucher est long certains soirs. « Maman si tu étais élastique girl, tu sais la maman dans Indestructibles, tu pourrais me tenir la main à moi en haut et à Sam en bas en même temps ? » Le meilleur remède est de se plonger dans les photos des proches.

Samuel doit penser que la vie ressemble vraiment à ce doux et long rêve familial. Il n’a pas d’échéance, pas de notion de temps. Il commence à parler beaucoup de l’école (c’est pas comme si on évoquait quotidiennement le sujet…). Son objectif du moment est la propreté. L’achat de ses premiers caleçons fut l’événement à Stockholm ! Nous y sommes allés tous les 5 (comme toujours, on ne se sépare que très rarement) et il fallait voir chacun donner son avis ! Le caleçon pelleteuse et voiture de police a forcément pris la première place ! Pourvu que ça motive Sam.

On garde de la Suède l’image d’un pays qui cherche à respecter l’autre. L’égalité homme – femme avec beaucoup de toilettes mixtes. Ce n’est qu’un exemple mais j’aime l’idée que pour une fois les hommes patientent autant que les femmes ! Et surtout nous avons été frappé par l’existence des femmes dans tous les corps de métiers. Des pasteurs, des garagistes, des employés dans les compagnies de ferrys qui gèrent les manœuvres des camions à l’embarcadère. Notamment ceux réservés aux hommes dans notre monde trop fermé. Un pays ouvert et attaché à l’intégration du handicap dans la société avec des structures adaptées. J’ai eu l’impression de croiser beaucoup de personnes en fauteuil roulant. Et des personnes en situation de handicap divers. Ils sont moins cloisonnés chez eux. Louise, qui ne se pas considère pas handicapée a toujours un regard particulier sur la différence. Quand on n’évoque le sujet, le mot handicap en famille, on parle plutôt de différence, de particularité. C’est encore trop tôt pour nous tous peut-être. En Suède, on ressent aussi le droit d’exister pour ce que l’on est. Le drapeau gay flotte partout. Et ça nous plait bien. Les gens sont libres et heureux de l’être.

Nous avons hâte de découvrir le Danemark qui sera notre dernier pays. Hâte de retrouver Tim et Claire à Copenhague dès demain ! Les pays suivants (Allemagne, Pays-Bas et Belgique) seront traversés plus rapidement et marqueront la route du retour. Déjà.Toutes les bonnes choses ont une fin. C’est le jeu.

Hâte aussi que Samuel retrouve sa forme. Fiévreux depuis quelques jours, il se traîne. Il ne dit plus « veux marcher » mais « veux poussette ». Rarissime. Il dort beaucoup et mange peu. Chouchouté par nous tous, le meilleur remède reste de regarder des photos de sa cousine Fantine. Pas encore croisée mais déjà adoptée ! Il ne perd pas le nord pour autant. On s’arrête, il questionne. « Une balade ? Trottinette ? Musée ? ».

En attendant on pense voyage, on dort voyage, on respire courage et surtout on vit voyage. Et on parle constamment voyage à nos enfants. Notre plus belle transmission, notre fierté, notre idéal. Sortir de sa zone de confort pour découvrir des ailleurs. Quitter un quotidien trop rythmé qui laisse peu de place à l’improvisation pour avoir du temps pour tout et pour tous. Se laisser porter. Aller de l’avant. Se réjouir de tout. De rien. Croire en l’humain. Admirer notre planète. Sensibiliser nos enfants à de belles valeurs. Les aimer au ralenti. Plus lentement et plus fort.

Allez, à bientôt,
Belles vacances aux chanceux,

Bises de JuBaJaLouSam
ps : Un immense merci à Julien très inspiré par notre aventure et dont ses dessins font notre plus grande joie.

5 COMMENTS
  1. ^^
    Ca donne envie d’aller se la couler douce en suède
    C’est tellement agréable de suivre votre aventure, que ça me démengeait d’en illustrer certains moments 😉
    Profitez bien de ce dernier mois de voyage
    biz à vous 5

    julien 5 ans ago Reply
  2. En lisant ton nouveau blog, Ju, on vous rejoindrait bien sur ces plages idylliques,
    on a (très) peur avec vous lors de la chute de Jaja et Loulou, on a envie de câliner Loulou lors de son coup de blues, on rit en imaginant Jaja debout à 4h30, toute fraîche, et sur la tyrolienne à 6h !! On pleure avec toi quand tu as le contre-coup de la chute des filles, et on éclate de rire à la lecture du rêve de Jeanne, celui avec Macron !!
    On se régale des photos colorées de Ba (gros coup de cœur sur cet improbable champ de nénuphars et toujours sur les photos de vos beaux petits Ki ;-)). Bref on partage avec vous ce tourbillon d’émotions qui fait de votre voyage un rêve éveillé…
    Et on se réjouit que tu aimes toujours autant écrire parce que nous on aime toujours autant te lire !

    Fantine a hâte de connaître sa famille de baroudeurs et de se laisser câliner par vous 5. Quant à Gaspard et Basile ils se mettent régulièrement à crier « Louise Louise Louise ! » puis « Jeanne Jeanne Jeanne ! » puis « Sam Sam Sam ! », parfois quand on vous évoque, qu’on parle de nos retrouvailles à venir, parfois sans raison (apparente !). Ce à quoi Gaspou ajoute toujours « et on va aussi retrouver Julie et Baptiste ! »
    D’ici mi août continuez de vous émerveiller et de profiter !

    On vous embrasse fort

    Marie 5 ans ago Reply
  3. Contente d’avoir lu en début de soirée vos nouvelles aventures, qui rétrospectivement font un peu froid dans le dos…
    Me voilà en début de vacances (?) pour une fois plus photos que mots bien que beaux.
    Bravo au photographe aux cheveux longs mais pas aux idées courtes j’espère ( ah, les belle-mères!).
    Entre
    Les filles bien filles qui se baignent, cuisinent, écrivent, jouent, pêchent, posent, sourient,
    Sam qui semble avoir attrapé le même bon virus que Jeanne toujours un bouquin en mains ou un dépliant,
    Le trio sur le poulain de bois qui me fait penser allez savoir pourquoi au lion d’Abbenans
    Les gros plans qui m’ont immédiatement fait penser à des photos de classe ( euh, de voyage) individuelles.
    je trouve que les raukars ressemblent à des géants de pierre malfaisants qui vont même jusqu’à faire chuter nos acrobates préférées.

    Pour terminer mon commentaire, je suis comme Marie, fan du rêve de Jeanne distinguée carrément par le président pour ses qualités d’auteure prolixe.
    Des bises ensoleillées iodées et salées de

    Mae 5 ans ago Reply
  4. Un délice ces récits, ces photos, ces anecdotes, ces émotions restituées , partagées.
    Et puis ces illustrations clin d’œil de Julien top .
    Évidemment, on adore les petits mots de Jeanne, les émotions de Louise, la bouille hilarante de Sam,…
    Biz

    Tydom 5 ans ago Reply
  5. Merci pour ce nouveau récit de voyage qui nous fait rêver,
    Pour répondre à ton goût de l’écriture j’aime beaucoup « Je prends possession du monde par les mots » (Saint-Exupéry) et pour toi ces mots prennent toute leur dimension,
    Très affectueusement de tous des Donnarumma

    DONNARUMMA 5 ans ago Reply

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